Critique des chroniques du joe bar

Lire les CHRONIQUES DU JOE BAR de CHRISTIAN DEBARRE (Chris Deb dans le civil...), c'est un peu comme monter dans LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS imaginé par H.G WELLS en 1895 et régler la destination sur 1970. On atterrit à MONTREUIL, banlieue loubarde et mal famée du bassin parisien. Un rade ; le JOE BAR, un patron de bistrot et quatre motards " hydrocéphales " comme les décrit MARCELLE cliente sensuelle et glamour du fameux rade.
CHRIS DEB réussit l'exploit d'accrocher le lecteur dès les premières pages en nous replongeant directement dans l'univers de la BD qu'il a créé en 1988. On retrouve les 4 motards Ed la Poignée (Edouard Bracame), Guido Brasletti, Jean Manchzeck et Jeannot (Jean-Raoul Ducable), aussi décérébrés que téméraires au guidon de leurs meules adorées.

Le pari n'était pas gagné d'avance car passer de la BD au texte n'est pas un exercice facile. L'intérêt du livre tient au fait qu'on y retrouve aux premiers mots la gouaille du créateur, son phrasé particulier et son langage loulou seventies qui n'a pas pris une ride. Lire LES CHRONIQUES DE Chris Deb, c'est un peu comme écouter La tire à Dédé de RENAUD sur un 33 tours en vinyle ; ça craque, c'est nostalgique, la tristesse des années passées s'installe un peu mais c'est jamais vulgaire, mercantile ou sirupeux, pas d'excès ou de recherche de style inutile. On est loin, très loin de l'écrivain bobo qui s'est décrété artiste parce que 2 ou 3 potes critiques lui ont assuré dans une soirée mondaine qu'il était géniaaal !

Chris Deb c'est une CHEVROLET BEL AIR 57, pas besoin de rouler vite ou de faire vrombir le moteur pour démontrer quoi que ce soit, le style suffit à comprendre qu'on est dans de l'authentique, du racé pur jus amoureux de son époque. C'est pour cette raison que l'ouvrage plaira aussi bien à ceux qui comme votre serviteur ont connu et dévoré la BD qu'aux autres qui ne lisaient pas le JOE BAR TEAM. A l'instar de Michel AUDIARD qui ne se revendiquait absolument pas de l'argot comme le pensent encore beaucoup de cinéphiles, Christian DEBARRE ne se revendique ni d'une forme de violence routière, ni d'une incitation à la prise de risque mais simplement comme un miroir de sa jeunesse dans laquelle il a trouvé une source d'inspiration très attachante par ses dessins mais aussi par ses textes. Ce livre en est la preuve et j'invite tous les quinquagénaires, mais aussi les plus jeunes à découvrir ou redécouvrir le style tant imagé d'un auteur trop discret qui mériterait un peu qu'on lui botte le cul pour monter sur le podium des crobards les plus rock'n'roll des 25 dernières années.

Le bouquin débute par un préambule de BERTRAND THIEBAULT, journaliste et photographe qui n'ayant pu rentrer dans les ordres a décidé d'intégrer la chapelle MOTO JOURNAL, repère d'essayeurs-testeurs journaleux en tous genres adorateurs de l'arsouille. Pour l'humble scribouillard que je suis, motard timoré mais fan des années 70 je dois dire que les 3 pages de Monsieur THIEBAULT m'ont bien fait plaisir : 200 km/h entre les platanes, un Barbour, un Cromwell, des Climax en guise de protection... C'était en 1970 et tout cela n'avait rien d'irrévérencieux ni même d'illégal. Eh oui, les limitations de vitesse n'existaient pas encore ...

Et comme l'écrit B.THIEBAULT : quel choc en regardant dans le rétro ! Pas d'internet ni de portable : le réseau social le plus célèbre était encore le bistrot du coin... Sans vouloir passer pour un vieux con, ce préambule fait du bien, beaucoup de bien. Dans une époque où75% des adolescents dorment avec leur téléphone portable sous l'oreiller, twittent non-stop, facebookent à outrance et vivent avec 750 amis sans sortir de chez eux, les quelques lignes du journaliste de MJ sonnent comme une alerte à la folie ambiante qui nous a envahit depuis une décennie.

L'ouvrage de Chris Deb est une copie écrite des dessins qu'il a couchés sur ses premières planches en 1988. Il se décompose en 9 brèves de comptoir qui se déroulent toutes au sein du JOE BAR. Tour à tour poète et adorateur de la gente féminine page 37 LES bonnes femmes, qu'est-ce que tu veux...dès qu'il s'agit de mécanique ça les dépasse... Elles ont jamais eu le sens de ça... Quand on leur parle de polir une culasse ou de mettre un coup de lime dans une pipe d'échappement, elles croient que c'est pour la gaudriole ...Faut y pas qu'elles soient un peu connes !

Le langage est cru mais sympathique (comparé au langage actuel, entendu sur des chaînes lobotomisantes comme TF1 ou M6, le texte de Cris Deb s'apparente à du BALZAC...), et surtout il sent le vécu. Chris ne triche pas, c'est un nostalgique avec une mémoire d'éléphant qui a le don de restituer tels quels des propos que l'on pouvait entendre sur un zinc dans les années 70.

Page 19, l'accueil chaleureux que réserve MANCHZECK à son pote EDOUARD BRACAME est des plus touchants : Tiens, voilà l'aut con ! . Cette franchise verbale et au fond très amicale se mélange à des souvenirs très revival que ce soit sur un plan musical : le king est mort page 23 ou encore l'allusion à PONIATOWSKI en page précédente. Une mauvaise foi omniprésente et sublimée par le combat de trop page 43 quand MANCHZECK s'est fait taxer dans la descente de MOURCEAU par un ...MZ équipé coursier ! Et que l'on retrouve à chaque brève.

Le chemisier rose, largement ouvert, exhibe la naissance de deux nichons flasques, encore que généreux, qui sans le soutien des solides armatures dont la dentelle affleure au bord de l'échancrure, iraient dégouliner sur le gros ventre mou de la quinquagénaire . Cette page 89 reflète en tous points l'esprit du livre. Caricature respectueuse de personnages qui le sont tout autant à une époque oùle bon mot prenait le pas sur la vulgarité et la méchanceté. Une allusion à une chaîne de supermarchés m'a fait sursauter page 105 : FELIX POTIN ! On y revient disait le spot publicitaire qu'on nous rabâchait sur les ondes radio. 30 ans plus tard, le FELIX POTIN a été remplacé par le e-commerce d'un côté et par le DRIVE de l'autre !... Page 161, la description de la fameuse, fabuleuse, merveilleuse, et très attachante 750 FOUR m'a définitivement convaincu que ce livre était fait pour rester posé sur ma table de chevet, quoi qu'il arrive.

Pour résumer, le livre de CHRISTIAN DEBARRE reprend avec brio l'esprit de la BD qu'il a créé en 1988. Bon esprit, humour, gouaille argotique attachante, mauvaise foi en pagaille, références aux seventies, on peut penser une bonne fois pour toute que l'avenir ... C'est le passé. Vendu 19€ dans toutes les bonnes librairies

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