Essai Tesla model S P85D : buzz l'éclair

Plus tôt cette année, Tesla est revenu jeter un pavé dans la mare avec la Model S P85D. Non contente d'être révolutionnaire, la grande berline s'attaque de front aux supercars de la planète grâce à une fiche technique affolante. Nous avons passé plus de 1 000 km au volant de celle qui ébranle la sphère automobile et la Toile.
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Située au sud de San Francisco, la Silicon Valley est la terre promise pour toutes les startups technologiques. Un véritable bandeau de terres fertiles qui voit naître de plus en plus d’entreprises des secteurs technologiques ou informatiques. En 2003, la ville de Palo Alto accueille Tesla Motors, une petite boîte qui voulait révolutionner l’automobile. Après un premier coup d’essai avec le Roadster en 2008, Tesla remet le couvert et affronte tous les constructeurs avec une berline électrique. Alors que la Model S a fait ses preuves auprès d’une clientèle calme et détendue, l’Américain sort une version P85D, qui devrait ravir les boulimiques d’accélérations.

Un concept-car grand public :

Du petit roadster simpliste, Tesla est passé à la grosse berline. Avec ses mensurations (2 mètres de large pour pas loin de 5 mètres de long), la Model S entre dans le segment des grandes routières avec en face des Audi A7, Jaguar XF ou Maserati Ghibli. Des berlines qui ont aussi servi de références pour les designers de chez Tesla. Les inspirations sont marquées, avec un peu de Jaguar par-ci ou de Maserati par-là, mais le résultat final est superbe et ne ressemble pas aux autres véhicules ternes qui affichent zéro émission de CO2.

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L’habitacle est tout aussi somptueux, avec un style très épuré, dans l’esprit art-déco à la mode dans les pays scandinaves ou en Californie. L’impression d’espace est omniprésente, mais au contraire de certaines concurrentes, il y a vraiment de l’espace. Avec les moteurs situés sur les trains avant et arrière, la Tesla Model S P85D se passe d’arbre de transmission, ce qui supprime le tunnel central au profit d’un – et le seul – espace de rangement généreux. Car pour le reste, la voiture est avare en vide-poches, mais elle se rattrape plutôt bien avec un coffre arrière de 750 litres (1 792 litres avec la banquette rabattue) et 84 litres à l’avant. Selon l’utilisation, on pourra se passer des deux sièges enfants, installés dans le coffre et dos à la route. Oui, la Tesla Model S est une sept places, ou une 5+2. Pour amuser les passants, il n’y a pas mieux sur le marché, c’est très pratique pour accueillir deux bouts de chou de dernière minute, mais c’est à proscrire sur les longs trajets ou pour conserver quelques litres supplémentaires en volume de chargement. Hélas, la Model S pêche par une finition qui fait tache pour une auto de son rang, avec des joints qui ne sont pas collés, une planche de bord qui offre un débattement de quelques centimètres et des matériaux plastiques pas vraiment nobles. Comme la plupart des concept-car, c’est beau, mais pas bien fini.

Ce cocon se distingue surtout par l’écran de 17 pouces installé à l’avant. À lui seul, ce pad tactile rassemble toutes les commandes de la voiture, depuis la climatisation jusqu'aux réglages de la hauteur de caisse ou des paramètres de conduite. Le conducteur peut également, grâce à une connexion 3G fournie en série par Tesla, accéder à un GPS basé sur Google Maps, profiter d’une connexion Internet ou se connecter aux webradios du monde entier. Il y a même un mode 007 caché, qui affiche la Lotus Esprit sous-marine de James Bond dans L’espion qui m’aimait. En revanche, il faudrait être vigilant et ne pas trop se faire distraire par cet énorme écran, qui oblige à quitter les yeux de la route et réclame quelques instants pour trouver l’accès au menu souhaité.

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Un week-end chargé :

Pour la réalisation de notre essai, nous aurions pu aller tenter le diable sur des routes nationales dénuées de bornes de recharge ou l’emmener sur circuit, mais cette voiture n’est pas faite pour ca. Son truc à elle, c’est la vie de tous les jours, avec des trajets principalement autoroutiers, quelques incursions en ville et autres passages sur le réseau secondaire. Notre première mission : rallier le sud de la France à la région lyonnaise. Soit près de 350 km d’autoroute A7, ce qui devrait être une formalité pour la berline. Alors que la plupart des véhicules électriques se cantonnent à la ville, avec une autonomie juste suffisante pour les trajets quotidiens, la Californienne affiche une autonomie NEDC de 491 km. Dans la réalité, l’autonomie réelle se situe aux alentours des 350 km, mais cela peut monter jusqu’à 400 km selon votre conduite (certains préconisent de se coller aux camions pour profiter de l’aspiration) voire un peu plus en ville avec la récupération d’énergie activée.

Une fois la destination choisie, le GPS repère automatiquement les Tesla Superchargers qui se trouvent sur la route et, d’après la topographie du trajet, la température extérieure et la consommation moyenne, indique où faire une pause pour se recharger en électricité. Au départ d’Aix-En-Provence, la navigation nous recommande donc de faire un arrêt au Supercharger de Vienne, où nous devions arriver avec 17 % d’autonomie restante. Pas vraiment confiants dans le système, à tort, nous avons joué la sécurité en effectuant le plein au Supercharger d’Orange. Près de 30 minutes plus tard, nous avons repris la route pour Vienne bien plus sereinement. Arrivés à destination, deux choix s’offraient à nous : enchaîner avec les 40 km restant jusqu’à notre destination ou faire le plein. Sans solution de recharge adaptée au lieu de stationnement, la Tesla Model S P85D nécessite près de 35 heures sur une prise domestique 220v et 35a pour retrouver ses 100 % d’autonomie ! Du délire, mais il faut garder à l’esprit qu’il y a beaucoup plus de batteries que dans n’importe quelle citadine électrique. Finalement, la seconde option a été un choix stratégique, puisque les 20 % d’autonomie avalés sur le bout de chemin restant ont immobilisé le véhicule pendant près de 7 heures.

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Électrisante mais pas foudroyante :

Sur place, l’absence de Supercharger nous a obligés à revoir notre manière de nous déplacer, usant de ruses pour ne pas nous retrouver bloqués au milieu de la route. La Model S nous pousse à prévoir notre déplacement et à nous conformer au plan prédéfini. Ce qui est difficile à anticiper lors d’un essai presse, où nous avons dû malmener la berline sur les petites routes environnantes pour satisfaire notre conscience professionnelle. Malgré une masse de 2 239 kg, la berline est presque une ballerine dans les enchaînements de virages. Avec des moteurs placés sous le moyeu des roues et des batteries sous le plancher, la P85D profite d’un centre de gravité très bas et d’une répartition des masses de l’ordre de 50/50, qui se traduit par un comportement dynamique satisfaisant. À cela s’ajoute une motricité sans faille, avec une transmission intégrale gérée à la perfection par un logiciel. Il faudrait vraiment dépasser certaines limites pour mettre à mal sa tenue de route. De toute façon, elle n’est pas faite pour ça : malgré un P pour Performance, la P85D n’est pas une véritable sportive et les lois de la physique auront vite raison du système de freinage qui manque clairement de mordant. On regrettera aussi une direction avare en informations, l’absence d’un mode sport agissant sur la suspension ou sur les aides à la conduite qui, à l’instar de la voiture, sont constamment connectées. En revanche, nous avons dû stopper nos séances avant d’atteindre les 20 %, nécessaires pour atteindre le Supercharger de Vienne.

Chargés à 100 % en électricité, nous n’avons pas résisté à la tentation d’activer le mode Insane, qui libère l’intégralité des 700 ch (476 ch à l’arrière et 224 ch à l’avant) et 930 Nm de couple, disponibles instantanément. Sur l’exercice du 0-100 km/h, expédié en 3,3 secondes, les passagers doivent digérer près de 1G d’accélération longitudinale. La poussée est physique, on ne va pas se mentir, mais elle n’est pas révolutionnaire. Car à partir de 120-130 km/h, le couple dégringole à vitesse grand V et la voiture n’impressionne plus vraiment. Les reprises sont plus que satisfaisantes pour le commun des mortels, mais elles ne figurent pas en haut du tableau. La poussée est même moins physique que dans une Porsche 911 Turbo S ou une Nissan GT-R avec ses 550 ch. L’absence de moteur hurlant haut et fort dans les tours pourrait-elle brouiller notre impression ? Possible, mais pour s’en assurer, nous avons rencontré Jerôme, un heureux propriétaire d’une Ford Mustang Shelby GT500, qui a accepté de comparer sa grosse américaine aux antipodes de la Model S. Malgré une transmission mécanique, deux roues motrices et une conception bien plus analogique, les quelques 600 ch de ce modèle préparé n’ont pas eu à rougir devant la P85D. Nous avons fait appel au préparateur Monstaka, pour décortiquer en détail la puissance délivrée par la Tesla Model S P85D. Après quelques recherches détaillées, il semblerait que les batteries ne délivrent pas toute leur puissance aux moteurs. La puissance aux roues serait donc limitée aux alentours des 500 ch, voire un peu moins lorsque l’autonomie est plus faible.

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Pour notre retour, nous avons fait un crochet à Cannes, avant de revenir sur Aix-En-Provence. Bien plus habitués au véhicule que quelques jours auparavant, nous avons fait confiance au système de navigation. Ce n’est pas sans craintes que nous avons rejoint le chargeur d’Orange, mais le GPS s'est montré exemplaire dans ses prévisions, avec une autonomie de 30 % affichée sur le combiné d’instrumentation depuis notre départ, et ce jusqu'à notre arrivée. Une heure plus tard, nous avons visé celui de Fréjus, dans le vignoble du Clos des Roses, pour une nouvelle pause de 60 minutes. Au final, nous avons mis près de six heures pour rallier la Croisette, au lieu des quatre heures habituelles avec un véhicule thermique. C’est le prix à payer pour pouvoir s’aventurer en électrique en dehors des villes, sans dépenser un centime, puisque Tesla offre la recharge dans tous ses Superchargers. À quand une exonération des taxes de péages pour les véhicules électriques ?

À vous de planifier la vie qui va avec :

D’un point de vue idéologique, la Tesla Model S rappelle le raz de marée provoqué par Citroën en 1955 avec la DS. Une véritable révolution qui chambarde l’automobile, à grand renfort de technologies avant-gardistes : la voiture est constamment connectée, contrôlable depuis une application mobile, et apporte avec elle un mode de vie spécifique. On y retrouve même quelques innovations pratiques, comme le correcteur d’assiette à mémoire GPS. Si la marque française avait bénéficié d’une technologie GPS à la pointe, elle aurait sûrement pu être à l’origine de la trouvaille.

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Aujourd’hui, la berline américaine réinvente notre approche de l’automobile. Non pas sur le plan technique ou sur l’aspect écolo bobo, mais plutôt sur la vie qui va avec. Car une Tesla Model S entraîne forcément avec elle une nouvelle vie. Les déplacements doivent impérativement être planifiés à l’avance et les longs voyages se vivent désormais différemment, en prenant le temps de faire des pauses d’une heure, toutes les deux heures. Et à chaque arrêt, la Model S se transforme en réseau social. Les pauses aux Superchargers ouvrent aussi les portes d’une communauté de propriétaires, souvent Scandinaves ou Hollandais, prêts à échanger sur leurs expériences et les badauds sont tous attirés par cette soucoupe roulante.

Malgré le sérieux d’Elon Musk et de ses ingénieurs, Tesla ne se prend pas vraiment au sérieux : le contrôle du klaxon à distance via l’application va ravir les enfants (reste à déterminer l’âge), l’easter egg 007 n’a absolument aucun intérêt et les sièges inversés dans le coffre amusent plus la belle-mère qu’ils ne sont réellement utiles. C’est la voiture du gendre idéal, suffisamment sérieux et raisonnable mais pas dénué d’humour pour se marrer en famille.

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Affichée à un prix de base de 105 800 €, la Tesla Model S P85D est une affaire au regard des autres propositions du segment à performances équivalentes. Sauf que ses concurrentes sont frappées de plein fouet par le malus écologique, alors que l’Américaine vous donne droit à un abattement de 6 300 € et une importante économie en carburant. En revanche, il faudra être plutôt prudent sur les options au prix injustifié (on retient les jantes de 21 pouces à 4 800 € ou l’aileron en carbone à 1 050 €), qui peuvent faire grimper la facture à près de 130 000 € comme sur notre modèle d’essai. Et quitte à être suffisamment rationnel pour faire le choix d’une Tesla Model S, autant se diriger sur une version de milieu de gamme 85D, qui offre une puissance moindre mais suffisante pour ce véhicule, une autonomie légèrement plus importante et un prix de 87 200 €.

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Conclusion:

La Model S P85D est l’itération la plus dingue dans la gamme du fabricant. Une vitrine technologique, finie comme un concept-car, qui ose se frotter aux sportives de la planète avec 700 ch affichés. Toutefois, un essai approfondi nous a démontré qu’elle est loin de tenir toutes ses promesses et que le buzz qu’elle engendre ne dure finalement que 3,3 secondes, voire 4,0 secondes chrono en main. Un buzz éclair qui ne va pas plus loin que l’infini, puisque les batteries seront bien vite moins puissantes, et surtout pas au-delà, avec un réseau de Superchargers encore limité (25 en France à ce jour). Si les propriétaires de grosses GT se lient d’amitié avec le pompiste du coin, ceux qui roulent en Model S P85D auront une relation fusionnelle avec les Superchargers. Une intimité entre l’homme et la machine qui, comme la Model S, nous prouve que le futur est déjà là !

Note : 15/20

Bien vu :
– Habitabilité
– Technologies embarquées
– Accélérations physiques
– Tenue de route et motricité
– Autonomie correcte
– Prix et coûts d'utilisation

À revoir :
– Ergonomie limitée et aspects pratiques
– Poids éléphantesque
– Freinage perfectible
– Finition indigne
– Prix de certaines options
– Solution de recharge domestique indispensable
– Temps de recharge sur une prise 220v (35a)

Crédit photo : Soufyane Benhammouda / La Revue Automobile

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