Essai Lotus Emeya S : L’ADN Lotus a-t-il vraiment survécu à l’ère électrique ?
Lotus, un nom qui résonne comme une légende dans l’histoire de l’automobile. Une marque qui a façonné des modèles iconiques, portée par une philosophie simple mais révolutionnaire : “Light is Right”. Colin Chapman voyait l’automobile comme un art de la légèreté, où chaque gramme en moins rapprochait la voiture de la perfection. Aujourd’hui, l’industrie évolue, les moteurs thermiques disparaissent peu à peu, et Lotus prend un virage à 180°.
Notre mission était simple : comprendre ce qu’est devenu Lotus et surtout, ce qu’elle est en train de devenir. Pendant 7 jours, nous avons vécu avec l’Emeya S, une voiture qui n’en est peut-être plus vraiment une. Oubliez les petits roadsters agiles, place à une machine totalement repensée. En prenant les clés pour la première fois, un mot nous traverse l’esprit : “vaisseau”. Ce n’est pas une simple voiture électrique, c’est une déclaration. Mais reste-t-elle une vraie Lotus ? C’est ce que nous allons découvrir.
Un premier contact déroutant : l’instant où tout bascule
Notre voyage commence là où tout débute pour cette Lotus, à son siège en banlieue parisienne. La fin d’après-midi s’étire sous un ciel gris, un froid presque trop classique pour l’atmosphère électrique qui nous attend. Et puis, au détour d’un regard, elle est là. Jaune, éclatante, hypnotisante. Une présence qui tranche violemment avec le décor, comme un vaisseau venu d’ailleurs.
Il y a quelque chose d’inhabituel dans cette silhouette. 5,14 mètres de long, un hayon fuyant qui semble vouloir s’échapper vers l’horizon, un aileron rétractable posé là comme une promesse de vitesse. La face avant est acérée, presque agressive, avec cette signature lumineuse fine et tranchante qui capte immédiatement le regard. Mais ce qui frappe le plus, c’est son assise sur la route. Les jantes de 22 pouces lui donnent une posture bestiale, comme si elle était déjà prête à bondir, sculptée pour fendre l’air et avaler l’asphalte.
On la qualifie d’Hyper-GT, un terme qui intrigue autant qu’il fascine. Une GT, c’est le voyage, le confort, l’allure. Mais une Lotus, c’est normalement tout l’inverse : le minimalisme, la légèreté, le sport brut, presque sans concession. Deux mondes qui n’étaient jamais censés se croiser, et pourtant nous sommes là, face à ce paradoxe roulant.
Et c’est là que tout bascule. On pourrait la comparer, essayer de la ramener à ce que l’on connaît déjà, mais ce serait une erreur. Elle n’est pas là pour jouer sur la nostalgie. Ce n’est pas une Elise, ce n’est pas une Exige. Lotus a changé, et cette voiture est la première pierre d’une nouvelle vision. Maintenant, une seule chose compte : comprendre cette direction, et voir jusqu’où elle nous emmènera. Que le voyage commence.
Un salon roulant : Lotus entre dans une nouvelle ère
C’est en ouvrant la porte que l’on comprend immédiatement la vision derrière cette voiture. L’Emeya S n’est pas une simple GT électrique, c’est un cocon de technologie et de raffinement pensé pour offrir une expérience inédite.
L’intérieur frappe d’emblée par son minimalisme maîtrisé. Pas un minimalisme froid, mais un design épuré, où chaque élément semble avoir été pensé pour servir l’expérience du conducteur. Les matériaux sont d’une qualité irréprochable : cuir Nappa, Alcantara, inserts en carbone, aluminium brossé… Chaque surface que l’on touche inspire la solidité et la sophistication.
L’élément qui capte immédiatement l’attention, c’est l’écran OLED de 15,1 pouces, immense, précis et incroyablement réactif. Tout se pilote à partir de lui : navigation, multimédia, modes de conduite, réglages des sièges et de la climatisation. Pas de fioritures, juste une interface fluide et intuitive, accompagnée d’un affichage tête haute de 55 pouces, projeté à 7,5 mètres devant le conducteur, et d’un bandeau numérique pour le passager.
Un confort absolu.
Les sièges sont un modèle du genre : chauffants, ventilés, massants, entièrement réglables électriquement, avec un maintien parfait, peu importe la morphologie. En version 5 places, la banquette arrière est généreuse, offrant un espace digne d’une grande routière. En version 4 places, la console centrale accueille un écran tactile de 9 pouces, permettant de contrôler la climatisation et l’ambiance lumineuse, plongeant les passagers dans une atmosphère haut de gamme.
Le toit panoramique intelligent ajoute à cette sensation d’espace et de sérénité. Opacifiable en plusieurs zones, il s’adapte aux envies et aux conditions de luminosité, transformant l’habitacle en un véritable salon roulant. L’éclairage d’ambiance personnalisable 64 couleurs ajoute encore une dimension immersive, modulant l’atmosphère selon l’humeur.
À bord, tout est pensé pour isoler du monde extérieur et offrir une expérience immersive. Le système audio KEF Dolby Atmos, avec ses 15 haut-parleurs dans notre version essayé, nous plonge dans une qualité sonore exceptionnelle, amplifiée par l’insonorisation parfaite de l’habitacle.
Tout ici respire modernité et maîtrise. L’Emeya S redéfinit ce qu’est une GT en combinant technologie, luxe et performance dans un équilibre subtil. Mais toute cette sérénité disparaîtra-t-elle une fois sur la route ?
Il est temps de la réveiller.
Taillée pour la route : entre confort et performance
Tout commence par un geste simple. On s’installe, on enclenche le mode Drive, et l’Emeya S est prête à partir. Pas de bouton Start, pas de clé à tourner, juste un silence total qui marque le début du voyage. L’écran de 15,1 pouces affiche notre itinéraire : 800 kilomètres au programme, une descente par l’autoroute pour juger son confort sur longue distance, et un retour par la nationale pour tester son dynamisme.
Les premiers tours de roue sont étonnamment fluides. Avec ses roues arrière directrices, la voiture se manie avec une agilité déconcertante, malgré ses 5,14 mètres de long. Le volant octogonal en Alcantara tombe naturellement sous la main, regroupant d’un côté les commandes d’infodivertis-sement, et de l’autre les aides à la conduite. Un léger temps d’adaptation est nécessaire, notamment à cause des rétroviseurs caméras, placés un peu bas mais offrant une qualité d’image irréprochable.
Un avion de chasse sur l’autoroute
L’autoroute, c’est l’épreuve redoutée des véhicules électriques. L’Emeya S se revendique comme une Hyper-GT, une voiture faite pour cruiser sur de longues distances. Voyons si elle tient ses promesses.
D’un simple appui sur le volant, un léger son mécanique se fait entendre. Le capteur Lidar sur le toit s’active, analysant la route avec une précision chirurgicale. Le régulateur adaptatif, combiné au maintien actif dans la voie, prend le relais en douceur. Un vaisseau. Il n’y a pas d’autre mot. La conduite devient presque secondaire, et l’on profite de l’ambiance feutrée de l’habitacle. Sièges chauffants, massants, volant tempéré, musique immersive grâce au système audio KEF Dolby Atmos à 23 haut-parleurs… On est loin des Lotus radicales d’antan, ici le voyage est un luxe en soi.
Mais sur autoroute, la vraie question reste l’autonomie. Notre modèle d’essai embarque une batterie de 102 kWh brut (98,9 kWh net), lui offrant sur le papier 500 à 610 km d’autonomie WLTP. En réalité, avec le chauffage, la sono et un rythme soutenu, nous avons couvert environ 420 km avant de devoir recharger.
L’Emeya S cache toutefois une arme redoutable : sa capacité de recharge ultra-rapide à 350 kW. En quelques minutes, nous trouvons une borne rapide et en 18 minutes seulement, notre batterie passe de 10 à 80%. Juste le temps d’un café, d’un passage aux toilettes, et la voiture est déjà prête à repartir.
Mais l’autoroute n’est qu’un terrain d’échauffement. Désormais rechargée, il est temps de voir comment l’Emeya S se comporte lorsqu’on la pousse vraiment, sur des routes plus exigeantes.
Une machine à sensations ou une GT aseptisée ?
Me voilà reparti. Le décor a changé, fini l’autoroute et son flot monotone, place aux routes sinueuses où l’Emeya S va devoir prouver ce qu’elle a dans le ventre. Une sortie de station-service, une ligne droite dégagée… L’occasion parfaite pour tester le 0 à 100 km/h.
Pied droit au plancher. 4,15 secondes. C’est rapide, très rapide, surtout pour un véhicule qui dépasse 2,4 tonnes, mais ce n’est pas un choc on ne vas pas se mentir. C’est propre, net, efficace, mais sans brutalité. On sent que la voiture est calibrée pour la maîtrise plutôt que pour l’adrénaline pure. Si l’on veut quelque chose de plus radical, l’Emeya R, avec son 0 à 100 km/h en 2,78 secondes, semble être la réponse.
Le couple instantané des motors électriques, combiné à la boîte mono-vitesse, donne une sensation de fluidité totale. On est propulsé sans rupture, sans temps mort, sans aucun à-coup. C’est bluffant de douceur, et paradoxalement, c’est peut-être là que réside le vrai ADN de cette Hyper-GT. Elle n’est pas là pour choquer, mais pour avaler les kilomètres avec une force tranquille.
Un poids qui s’efface… presque
Direction les routes de montagne. Premier virage serré, légère appréhension… Et pourtant, la voiture reste stable, imperturbable. Les suspensions pilotées font un travail exceptionnel : le roulis est contenu, l’équilibre est surprenant, et la motricité reste optimale grâce aux quatre roues motrices.
On sent quand même qu’il y a du poids, impossible de le nier. Dans les successions de virages serrés, on ne peut pas la jeter comme une voiture plus légère, mais on apprend à jouer avec elle, à anticiper, à profiter de sa précision. Le freinage, confié à des étriers six pistons et des disques allégés, fait le job. La voiture s’arrête net, sans flottement. C’est efficace, mais il faut s’y habituer. Le mordant est là, mais on sent que l’électronique vient lisser le tout pour éviter toute brutalité.
Une vraie GT plus qu’une machine à chrono
Alors, est-ce une voiture de performance ou une GT aseptisée ? Honnêtement, on comprend vite qu’il ne faut pas la prendre pour ce qu’elle n’est pas. L’Emeya S n’a pas la violence d’une supercar, et ce n’est pas ce qu’elle cherche à être.
Finalement, je me suis surpris à adopter une conduite plus fluide, plus coulée, à apprécier le confort autant que la puissance. Tous les matins, j’avais cette excitation à aller prendre le volant, pas pour taper des chronos, mais pour le plaisir simple de rouler.
Lotus a visé juste : ce n’est pas une Lotus de circuit, c’est une Hyper-GT pensée pour le quotidien, pour enchaîner les kilomètres dans un luxe feutré, avec juste ce qu’il faut de sportivité pour réveiller les sens.
Et c’est peut-être ça, la vraie force de l’Emeya S.
Conclusion:
Que reste-t-il de Lotus dans cette Emeya S ?
Avant de prendre le volant, je m’étais posé énormément de questions. Est-ce encore une Lotus ? Est-ce une rupture totale avec le passé ? Qui est vraiment le client de cette voiture ? Et surtout, est-ce une trahison ou une évolution nécessaire ?
Après sept jours d’essai, des centaines de kilomètres, des conditions de route variées entre autoroute, montagne et ville, la réponse me semble plus claire. Oui, l’ADN Lotus a changé. Mais ce changement est-il un problème pour autant ?
L’Emeya S ne joue pas la nostalgie. Elle n’essaye pas d’être ce qu’elle n’est plus, et c’est peut-être là sa vraie force. Plutôt que de chercher un compromis entre passé et futur, Lotus a fait un choix radical : proposer quelque chose d’unique, qui ne ressemble à rien d’autre sur le marché. Elle n’est ni une Taycan, ni une Model S Plaid, ni même une GT électrique traditionnelle. C’est une Hyper-GT à part entière, avec une personnalité forte et assumée.
Et dans cette catégorie qu’elle s’invente, elle brille. Peu de voitures permettent d’enchaîner les kilomètres avec autant de sérénité, dans un silence total, avec des sièges chauffants, massants, et un système audio KEF Dolby Atmos qui pourrait rivaliser avec certaines salles de cinéma. Peu de voitures vous laissent vous évader sur de longues distances, tout en offrant une accélération fulgurante dès qu’on en a envie.
Pendant longtemps, grand tourisme et électrique semblaient incompatibles. Aujourd’hui, avec l’Emeya S, je pense qu’on s’en rapproche plus que jamais. Elle réinvente l’expérience du voyage, en alliant confort, technologie et performance d’une manière inédite.
Bien sûr, ce rêve a un prix. Ce modèle d’essai est affiché à 153 900 € TTC en France. Mais si vous doutez encore, montez à bord. Oubliez vos a priori. Fermez la porte, prenez le volant, et laissez-la vous surprendre.
Lotus n’a peut-être plus la même définition qu’avant, mais une chose est sûre : elle n’a pas dit son dernier mot.
C’était Mathis pour La Revue Automobile, merci d’avoir lu cet essai. Pour en voir plus, retrouvez notre vidéo complète juste en dessous !
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