Collection Schlumpf, musée des fascinantes mécaniques

On restaure ou pas ? La question a l'air tout droit sortie de la prochaine épreuve de philosophie, et pourtant… C'est la première réflexion qui surgit dans notre esprit lorsque l'on aperçoit la Peugeot BB de 1913, à l'entrée du Musée National de l'Automobile - Collection Schlumpf.
Et pour d'ores et déjà anticiper les quolibets ou autres interprétations douteuses, Schlumpf n'est aucunement la déformation étymologique de Schlümpfe, Schtroumpf en allemand. Il s'agit du nom des deux frères suisses à la tête d'un empire industriel du textile à Mulhouse, Fritz et Hantz Schlumpf, et surtout passionnés d'automobiles, notamment de Bugatti, qui préparaient secrètement l'ouverture d'un grand musée dédié à la sulfureuse automobile française dont tout le monde rêve encore aujourd’hui.

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Bien conservée — dans son jus, d'époque —, la peinture et son état témoignent que la Peugeot BB est bel et bien d'un autre temps.

Une présence qui interroge non seulement le visiteur, mais surtout une problématique qui taraude également tout le comité directoire du musée. En effet, ce dernier se demande s'il faut restaurer l'incroyable collection de belles automobiles de Fritz Schlumpf — ou maintenir dans son jus originel ? Et, si oui, dans quelle mesure ? Vous avez quatre heures…

Car le musée Schlumpf fête ses 40 ans. Et 40, au-delà de sa symbolique, « c'est l'âge de sagesse, l'âge d'introspection », annonce Catherine Fuchs-Roucher-Sarrazin, conservatrice en chef des musées de Mulhouse Alsace Agglomération, qui est également commissaire de l'exposition « Iconiques Mécaniques… et autres curiosités », mais il s'agit surtout d'un âge critique où l'on se demande ce qu'il faut renouveler pour être toujours aussi attrayant.

Pour ce faire, tout le monde est mobilisé sur le pont, y compris Olivier Iannone, directeur général des Musées Mulhouse Sud Alsace, présent à cette occasion où sont exposés pour la première fois 40 véhicules d'exception jamais présentés au public.

Même le député Bruno Fuchs, récemment devenu président de l'association propriétaire du Musée National de l'Automobile, est sur le pont pour essayer d'insuffler une nouvelle dynamique culturelle et patrimoniale à cet incroyable espace, en renforçant « l'expérience visiteur de façon plus marquante et redonner au trésor de la collection Schlumpf le rang et l'éclat qu'il mérite ».
Une mutation progressive dont le dessein est d'augmenter le rayonnement du territoire et, a fortiori, de forger « un lieu de vie, un site inspirationnel d'exposition et d'ouvrir les portes du musée à des événements culturels et privatifs en lien avec l'automobile », précise Olivier Iannone.


Casser la scénographie classique des musées automobiles

En effet, en plus de sa vertigineuse collection d'automobiles d'antan, qui n'a rien à envier au salon Retromobile ou à n'importe quel salon auto de la porte de Versailles, la progression s'effectue à travers une salle d'exposition d'environ 18 000 mètres carrés dont les couloirs et galeries sont ornés de répliques des lampadaires du pont Alexandre-III.

La légende court comme quoi il y aurait la même disposition et surface au sous-sol, qui aurait été notoire comme speakeasy et autre lieu de débauche…
Une simple déambulation ne suffit point à capter l'incroyable richesse qui s'offre à nos yeux.
Ici, se trouvent réunies les sept Bugatti — au monde — de type 101, venant des quatre coins du monde et prêtées pour l'occasion par des collectionneurs particuliers.

Dans cet espace, les voitures y sont agencées de façon singulière en vue de casser la scénographie type parking, pour une meilleure fluidité et présentation. Autre souci de présentation qu'on apprécie particulièrement, les cages lumineuses où certaines voitures sont en quelque sorte mises en vitrine. Pensée par Sandrine Ziegler-Munck, il s'agit d'une éblouissante scénographie qui va au-delà du concept du showroom, et qui met en exergue l'intérêt patrimonial en complément de la beauté des voitures grâce à un halo lumineux, à la façon d'une sacralisation du véhicule.

Il y a, de surcroît, pléthore de constructeurs dont les noms ne parlent absolument pas : Delahaye, Panhard-Levassor, MAF, Violet-Bogey, Barré ou Mors…
Des firmes régionales d'un autre temps qui fascinent par leur beauté, mais surtout par leurs carrosseries évoquant une période dans notre imaginaire qu'on n'a paradoxalement pas connu.

Parmi nos coups de cœur, on retiendra cette Peugeot Phaetonnet type B de 1893, qui aurait pu sortir tout droit d'un film, la Vis-à-vis de 1894 fabriquée par George Richard, la surréaliste De Dion-Bouton biplace Type S de 1903, la clinquante mais non moins futuriste Bugatti Type 101 roadster Ghia-Exner de 1965, et même cette voiture Charette sicilienne hippomobile.

Au détour de notre flânerie à travers les allées, avec ces automobiles à foison formant un panachage de couleur qui rappellent des M&M's et allèchent les plus passionnés, nous nous glissons dans une aile à l'abri de la lumière. Ici trône sur une estrade une imposante Bugatti Royale Coupé Napoléon, qui — que l'on soit passionné ou non — laisse rêveur.

Puis cette Bugatti Royale est notoire pour être la voiture de Cruella dans le célèbre dessin animé des 101 Dalmatiens. Emblématique, iconique mais surtout unique ; en effet, cette sulfureuse est surnommée dans le milieu « La Joconde », car il s'agit tout simplement de « la voiture la plus célèbre, mais aussi estimée la plus chère au monde, aux alentours de 60 millions d'euros », souligne Olivier Iannone, qui rappelle que les voitures sont propriétés inaliénables du Musée Schlumpf.

L'icône des Bugatti déclenche tellement de passions que le musée prévoit de mettre en vente, en juillet, une édition collector de flacons en verre de 5 cl, faits à la main par la verrerie de Meisental, contenant l'huile de vidange composée de microparticules de la Royale.

Lorraine-Dietrich type FRH F4 de 1912, ou encore l'iconique Isotta Fraschini Berline type 8A de 1925, qui rappelle la célèbre Cavaillac blindée d'Al Carbone et sa bande, sorte de grosse caisse carrée qu'on a tous aperçue dans le dessin animé Les Fous du volant.


Le Musée Schlumpf regorge de bien d'autres tours de magie dans sa botte secrète

Le Musée National de l'Automobile ne veut pas se cantonner au rôle de showroom d'anciennes autos de luxe. Loin de vouloir être un collectionneur de riches pour riches, ici, c'est comme au marché, vous pouvez tout trouver.

Mention spéciale pour la voiture de Gaston Lagaffe, une Fiat Type 509A de 1936, avec pour détail amusant qu'elle aurait « été utilisée par une conductrice : une petite cale en bois sous les pédales d'accélérateur et de frein, permet de conduire facilement en talons aiguilles ».

L'iconique 5CV des années 1920, la voiture la plus populaire de Citroën, qui ressemble à la voiture des Dupond et Dupont dans Tintin. Ou encore la célèbre Volkswagen Coccinelle, alias Choupette dans la série produite par Walt Disney.

Petite curiosité des plus humoristiques, ce coin entièrement feutré et dédié à Bugatti… il s'agit d'un vrai partenariat avec le constructeur de Molsheim qui y a exposé une Bugatti Veyron et qui prévoit d'y déposer d'autres modèles dans le futur.

La Collection Schlumpf ne se contente pas de rouler des mécaniques, elle les répare et préserve. Faisant partie intégrante de l'institution, il y a cet impressionnant atelier de restauration, certifié « Musée de France ». Il s'agit du seul atelier agréé par le ministère de la Culture. Restaurer, certes. Mais pas n'importe comment, car ici on remet les véhicules en état d'origine, avec l'esprit authentique du véhicule en lui-même, ceci au titre du patrimoine et pour la postérité, car « il n'est pas question de fabriquer des fausses pièces ».

Il existe une réserve, interdite au public, dans laquelle est entreposé sur trois niveaux un florilège de 230 modèles secrètement gardés. En effet, à l'annonce de cette confidence, il était difficile de contenir la curiosité de notre photographe, Julien Fautrat, et la curiosité de Dan Latif qui n'eurent qu'une seule idée fixe dès lors : pénétrer le pavillon mitoyen afin de découvrir le trésor.


Le Musée Schlumpf, une collection vivante et en évolution progressive

Rencontre avec Bertrand Heck, mécanicien dans l'atelier de restauration du Musée de l'Auto de Mulhouse. Ce passionné d'anciennes, qui ne compte pas son temps et connaît tout ou presque sur l'automobile d'époque, nous invite à visiter les coulisses de son atelier et lève — littéralement — le voile sur les mystérieux bolides qui trônaient dans une zone de stockage de l'atelier, à l'abri des regards indiscrets.

D'un coup de main habile, il retire la bâche et découvre une Hong Qi, une curiosité chinoise, voiture présidentielle reconnaissable par ses deux drapeaux trônant sur les flancs avant, que le musée a reçue grâce à un partenariat avec la ville de Shanghai. Cette limousine serait une pâle copie d'un ZIL 114, imitation russe qui serait une imitation d'une Chrysler Imperial.

« Et derrière, c'est une quoi ? », lance Julien Fautrat. Et hop, nous faisons connaissance avec une Pegaso Z-102B du constructeur espagnol ENASA, qui renferme un moteur V8, « achetée blanche, mais restaurée avec la peinture d'origine cuivrée. La seule chose qui n'a pas été retouchée, c'est la sellerie qui était en très bon état. » En effet, il suffit de passer une tête à l'intérieur, et vous vous retrouvez enivré d'un parfum de cuir d'antan qui vous transporte. « La voici presque plus neuve que neuve », continue Bertrand Heck tout en refermant la porte qui produit un « clac » des plus cinématographiques.

« Et ceci, c'est quoi ? » poursuivons-nous. Le mécanicien nous fait rencontrer une Serpollet, carrosserie double Phaeton, un canapé roulant mais en double sous lequel se cache une voiture à vapeur de 1904, dont la mise en route nécessite 40 minutes de préparation. Et pour cause, il faut entre autres « mettre sous pression, allumer le brûleur, faire chauffer l'eau jusqu'à ce qu'elle devienne à l'état vapeur, et une fois que la vapeur n'est plus saturée en eau, on peut ouvrir la commande d'accélérateur ! C'est clair, n'est-ce pas ? Et puis, ça roule… et ça fait le même bruit qu'une locomotive », s'amuse-t-il.

Après tant d'efforts psychologiquement et moralement effectués, l'on en aurait envie de se reposer sur son double canapé, mais la caresse de ce rêve enchanté prit aussitôt fin lorsqu'on eut croisé le regard de Bertrand Heck.

Cependant, le film ne s'arrête pas en si bon chemin, la procession et nous pénétrons enfin dans l'antre des Schlumpf. Trois étages de parking fantomatique où toutes les voitures sont recouvertes, dont une rareté dont on n'aurait pu soupçonner l'existence qui a interpellé notre photographe.

Parmi celles qu'on a pu découvrir, une Daimler Berline, une Rolls-Royce coupé chauffeur d'avant-guerre. Des voitures qui, pour certaines, roulent encore, et les autres, non roulantes, sont sur chandelle.

Époustouflés par ce qu'on a vu, la première réflexion qui me vint à l'esprit était qu'il ne manquait plus qu'une Batmobile.

Et voici « mon bébé », se confesse Bertrand qui nous présente son coup de cœur, une Mercedes SSK, 6 cylindres en ligne, 7.2l, un « magnifique engin », renchérit-il. Nous voici face à une voiture de course de 1928 qui a participé à presque « toutes les compétitions de l'époque et qui gagnait tout » avant que Bugatti ne sorte sa Bugatti type 35.

La particularité du cabriolet de course : son volant à droite et la pédale d'accélérateur au centre. Notez la mention « Mercedes-Benz » sur la calandre et le volant qui, lui, ne porte que la mention « Mercedes ».

À la question de la consommation, Bertrand Heck soupire un « 80 litres, mais elle fait un de ces bruits, ça pète ! » nous certifie le mécanicien qui a eu le privilège de la conduire à de nombreuses reprises, notamment lors de compétitions classiques.

« Il y a des autos qui ne font pas de bruit, et cette Mercedes SSK (Super Sport Kurz) en fait partie, car c'est toute une mélodie, puis quand plusieurs voitures tournent en même temps, là, j'ai cette chance de travailler au cœur de toute une symphonie », s'enthousiasme ce passionné.

Par ici, une première bizarrerie qui se dévoile à nos yeux, du nom d'« Avion Voisin », marque française d'automobile de luxe qui a élaboré un bi-scooter du facteur, équipée d'un moteur de moto Terrot, entreprise dijonnaise de motocycles et voitures, le tout intégré dans une carrosserie des plus minimalistes, qui a déjà participé à un événement de microcars dans la Creuse.

Au sortir de la réserve, nous croisons Émilie Poteau, alias @plumetis_girl, immortalisant un cliché atemporel devant une Mercedes SS, la cousine de la Mercedes SSK. Habillée de toute élégance, avec un béret, en parfaite harmonie vestimentaire et d'époque, cette amoureuse du vintage a profité des vacances pour faire découvrir cet endroit mythique à son compagnon. C'est « un lieu d'inspiration et de contemplation, même si l'automobile n'est pas du tout mon dada », confesse-t-elle. Cela lui permet de faire un « bond dans le passé, au cœur d'une scénographie d'anciennes voitures rares et surtout en très bonnes conditions », en parfaite harmonie avec son style vestimentaire des plus vintage, en l'occurrence « un mélange de Dita von Teese et de Mary Poppins et de toute la mode des années 1940 ».

Conclusion:

Émilie, revenue pour faire découvrir ce musée à son compagnon, se réjouit d'avance de la future expo en cours de montage qui a l'air « très prometteuse » ! Voilà, encore un prétexte pour une autre visite.



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