Essai Ford Puma Gen-E : Le silence dans la jungle !

Roof-top et câlins de kilowatts

À Rouen, une navette discrète — ce genre de véhicule qui ne fera jamais la une d’un salon automobile — m’amena jusqu’à un rooftop sur les bords de Seine. Vue imprenable sur le fleuve, petits fours en embuscade, café tiède comme il se doit. Et, posée là, dans une blancheur de prototype civilisé, la Puma Gen-E. Elle n’attendait rien. Elle savait que tout le monde allait finir par lui tourner autour comme des moustiques autour d’un lampadaire.

Autour d’elle, les confrères de la presse prenaient des notes, filmaient des logos, récitaient des specs comme des versets de l’ancien testament électrique. J’écoutais d’une oreille distraite. Ce qui m’intéressait, c’était de savoir si ce félin silencieux avait des crocs sous ses pattes lisses.

Une mécanique au régime watts

Sous son capot, pas de surprises, pas de pots d’échappement, pas de rugissement. Juste un moteur électrique bien élevé qui balance 168 chevaux et 290 Nm de couple, le tout avec la discrétion d’un moine tibétain en pleine méditation. Le 0 à 100 km/h ? 8 secondes tout rond. Pas de quoi cramer les pneus, mais suffisant pour rater la prochaine amende radar avec dignité.

La batterie, elle, fait semblant d’avoir 54 kWh. En réalité, 43,6 kWh sont utilisables. Le reste ? Sans doute planqué dans un coin obscur de la fiche technique, sous le tapis de la transparence marketing. À moins qu’il s’agisse de réserves pour les mises à jour logicielles, comme chez certains constructeurs adeptes de l’abonnement surprise.

La recharge rapide, elle, s’effectue de 10 à 80 % en 23 minutes. Assez rapide pour ne pas faire pousser des racines à la station, mais juste assez lent pour finir un muffin sans s’étouffer. En courant alternatif, ça plafonne à 11 kW. Il faut bien occuper vos nuits, après tout.

Avec ses 4,21 mètres de long, la Puma Gen-E joue pile dans la cour des Captur, 2008 et autres SUV urbains qui pullulent dans nos villes comme des chats errants à la sortie d’une poissonnerie. Mais contrairement à ces derniers, elle ne miaule pas pour rien. Elle propose un coffre de 523 litres, ce qui, dans le jargon automobile, signifie que vous pouvez y glisser une valise, un chien moyen, deux enfants ou la preuve de votre bonne foi. Et en bonus, une Megabox planquée sous le plancher : le bac à tout-faire, à tout cacher, à tout oublier.

Pas de frunk, certes, mais à quoi bon ? À l’avant, on ne range pas, on avance.

Le style qui ne cherche pas les likes

Elle n’est pas là pour gagner des concours de beauté. Elle est là pour rester visible sans être vulgaire. La face avant affiche une calandre fermée qui rappelle qu’elle n’a rien à ventiler, merci. Les optiques sont affûtées comme un sourcil de top modèle. Les lignes restent tendues, dynamiques, sans sombrer dans la caricature du SUV bodybuildé. L’arrière est sobre, comme s’il n’avait pas envie de raconter sa vie.

Pas de surenchère, pas de chromothérapie sauvage, juste un design qui assume son héritage thermique tout en s’autorisant un soupçon de mutation.

L’intérieur est familier. Trop peut-être, diront les puristes. Mais c’est justement cette familiarité qui rassure. Pas besoin de suivre un tutoriel YouTube pour comprendre comment allumer les phares ou régler le chauffage. Tout est là, bien en place, bien pensé.

Les matériaux sont correctement ajustés, les plastiques font leur job sans tomber dans le piano black autocollant, et le volant accueille des raccourcis qui sauvent des nerfs : couper l’alerte de survitesse, désactiver le maintien dans la voie, bref… reprendre le pouvoir sur la machine. On appelle ça du bon sens. Ou de la survie.

La ville aux cent clochers

En ville, la Puma Gen-E se faufile avec la grâce d’un chat de gouttière qui connaît le quartier. Le silence est total, presque suspect. On entend les pneus effleurer l’asphalte, les feuilles tombées protester sous les roues. C’est une voiture qui se tait. Et c’est très bien.

Le confort est remarquable. Plus moelleux que la version thermique, malgré un embonpoint de près de 300 kg. Les amortisseurs ont été recalibrés pour la ville, et ça se sent. Même les pavés de Rouen semblent hésiter à cogner.

Il y a bien un petit accroc au train avant, une réaction un peu vive à très basse vitesse. Comme un chat qui ne veut pas être caressé là, juste là. Rien de dramatique, mais assez pour être noté. Le reste ? Une promenade. Un glissement. Un murmure. Un petit tour sur l’ordinateur de bord me confirme que je ne rêve pas : 10,4 kWh/100 km. C’est moins qu’un grille-pain dépressif.

Je quitte la ville. Les départementales s’ouvrent devant moi, sinueuses, bordées de vaches méditatives et de radars semi-actifs. La voiture, elle, garde son calme. Pas de surréaction. Pas d’emballement. Juste une présence, une constance, presque une élégance silencieuse.

La direction est précise. Le freinage dosé. La pédale d’accélérateur fait exactement ce qu’on lui demande. Et la consommation, même sur 200 kilomètres de routes mixtes, ne dépassera jamais 13 kWh/100 km. C’est rare. C’est propre. Et ça ne s’affiche pas en capitales sur l’écran. Elle le fait. Point.