5h du matin. Le réveil sonne, agressif comme une sonorité Devialet réglée sur "basse fréquence sans diplomatie". Fabien, notre directeur photo, sort déjà sa caméra de sa housse comme d'autres sortent l'épée du fourreau. À 6h, le vaisseau-mère du matin, un Mercedes Classe V, nous absorbe devant le Hyatt Porte Maillot. Direction Dieppe. Le genre d’expédition où on ne sait jamais si on va découvrir une voiture ou réveiller un mythe. Trois heures plus tard, après un défilé d’aires d’autoroutes aussi passionnantes qu’un PowerPoint de fin d’année, le chapiteau bleu Alpine nous attend. 8h30. Nous y sommes. Là où tout a commencé. Et si l’on en croit les batteries en charge, là où tout redémarre.
Lignes de départ
Jean Rédélé, concessionnaire Renault au talent mécanique certain et à l’audace mesurée comme un rapport poids/puissance, lance Alpine en 1955. L'idée ? Faire plus léger, plus agile, plus efficace. Une sorte de philosophie du "moins pour mieux". L'A106 ouvre la voie, l'A108 confirme le style, mais c’est bien l’A110 qui propulse Alpine dans la légende. Championne du monde des rallyes en 1973, elle griffe l’asphalte avec panache, laissant à ses descendantes une pression mécanique difficile à égaler.
Ensuite, il y a eu l’
A310 pour les pères de famille pressés, l’A610 pour les nostalgiques de la grande époque, puis… le sommeil industriel. Jusqu’à 2017 et le retour inattendu mais méthodique de l’
A110. Plus qu’un revival, une vraie redéfinition. Luca de Meo, stratège à la moustache plus affûtée qu’un différentiel à glissement limité, enclenche alors le programme "Dream Garage". L’objectif ? Passer à l’électrique sans perdre l’ADN. Après l’
A290, la suite logique s’appelle
A390. Une
Alpine qui fait du bruit sans en faire.

Des électrons en tenue de gala
Face à nous, un sport fastback de 4,62 mètres. Ni trop haut, ni vraiment bas. Un peu comme une A110 qui aurait eu une poussée de croissance et un abonnement à la salle. Le regard, signé "Cosmic Dust", fait de triangles lumineux évoquant une météorite graphique, donne le ton. À l’arrière, les barres lumineuses et les flocons gravés autour du logo éclairé jouent la carte de la subtilité étudiée.
Mais c’est le 3/4 arrière qui fait mouche. Le montant C piqué à la A110, les épaules larges, les volumes tendus, tout y est. Les poignées de portes dissimulées, la chute de pavillon à 17°, les flaps, le diffuseur à 8°… rien n’est là par hasard. L’aérodynamique ici, c’est comme une sauce béarnaise réussie : technique, précise, mais surtout invisible à l’œil nu.
Et c’est là que l’insolence commence : face aux SUV coupés venus d’outre-Rhin, la française ose une ligne plus racée que celle d’un
ID.5 GTX, moins classique qu’un
Enyaq RS et surtout, moins ostentatoire qu’un
Q4 Sportback. Même la
Porsche Macan électrique, pourtant championne toutes catégories de l’arrière-train rebondi, trouve ici une adversaire qui ne rougit pas, et surtout, ne vocalise pas. Elle se contente de tracer.

Une cabine entre sport et compromis
À bord, ambiance bleutée et écrans partout. 12,3 pouces derrière le volant, 12 en plein centre. Fabien jubile, il pourra filmer ça sous tous les angles. Le conducteur est clairement au centre du jeu, avec un volant à méplat, des boutons OV (Overtake) et RCH (Recharge) directement inspirés des volants de F1. Une console centrale haute comme un col alpin intègre les boutons RND typiques de la maison.
Les sièges avant sont confortables et chauffants, mais à l’arrière, c’est une autre histoire. L’absence de cavité dans les dossiers condamne les jambes des passagers du rang deux à méditer sur le sens de la vie. Le coffre arrière de 532 litres est, lui, bien pensé, sauf que l’absence de frunk, pour cause d’encombrement moteur avant, limite la praticité côté câble. Tout n’est pas parfait, mais au moins c’est clair.

Trois moteurs pour une traction intégrale nerveuse
Sous cette carrosserie, une
plateforme AmpR Medium revue et corrigée par les sorciers de Dieppe.
Trois moteurs : un à l’avant, deux à l’arrière. Total :
400 ch pour la version GT, 470 pour la GTS. Le tout piloté par un système Alpine Active Torque Vectoring qui mérite son propre diplôme d’ingénierie. Grâce à la gestion indépendante des deux roues arrière, on peut littéralement inscrire la voiture dans les virages en modulant le couple. En clair ? Elle tourne parce qu’elle pense qu’il faut tourner, pas parce que vous la suppliez.
Le 0 à 100 km/h tombe à 3,9 secondes pour la
GTS, 4,8 pour la
GT. La batterie de
89 kWh (utiles) permet jusqu’à 555 km d’autonomie. Et la recharge ? 15 à 80 % en moins de 25 minutes si la borne n’est pas capricieuse. Le système de pré-conditionnement thermique, pilotable depuis l’écran, permet d’optimiser la charge ou de refroidir la batterie après avoir un peu trop joué avec le mode "Track".
Côté freinage, on parle de disques de 365 mm pincés par des étriers 6 pistons. Même les descentes de col n’y résisteront pas. Michelin chausse le tout avec trois types de gommes : EV pour le quotidien, 4S pour le sport, CrossClimate pour les indécis. Le tout estampillé A39, pour qu’on sache que ce n’est pas une monte de Scenic.
Et c’est là que l’
A390 enfonce le clou. Car
côté performances, même une ID.5 GTX fait pâle figure avec son couple avantagé mais un châssis qui préfère la stabilité à l’attaque. Le
Q4 Sportback ? Plus techno que sportif. L’
Enyaq RS ? Plus familial que frisson. Et la
Porsche Macan ? Certes efficace, mais à quel prix. LAlpine ’
A390, elle, affiche un tarif annoncé autour de 65 000 euros. Insolente ? Oui. Mais avec le bon goût de ne pas le crier sur tous les toits.