Volvo a donc officiellement rangé au garage le 240 comme modèle le plus vendu de son histoire. Ce brave rectangle familial, lancé en 1974, avait conquis le monde à coups de ceintures de sécurité, de déformations programmées et de boîtes manuelles à l’embrayage aussi doux qu’un meuble IKEA à monter sans notice. Il avait surtout su répondre à une obsession nordique devenue internationale : la sécurité. Un mot qui, chez Volvo, ne se prononce pas — il se mesure en brevets, en simulations de crash test et en enfants sortant indemnes de collisions improbables avec des élans.
Le XC60, lui, a repris le flambeau, mais avec un vocabulaire plus contemporain. C’est un SUV de taille moyenne, autrement dit un engin qui semble toujours plus petit dans une publicité que sur une place de stationnement. Depuis sa première mouture en 2008, il s’est taillé une place dans le cœur des familles, et probablement aussi dans leur rétroviseur intérieur, à force de bips, capteurs et alertes.
Si le premier XC60 était assemblé dans les ateliers européens de Göteborg avec une précision quasi clinique, son succès planétaire a poussé Volvo à franchir la Grande Muraille et à installer une chaîne de production en Chine. Un geste aussi symbolique que logistique, pour satisfaire une clientèle locale qui aime les SUV autant que les Européens aiment les croissants au beurre : avec insistance et sans culpabilité.
Et ça marche. En 2018, le XC60 reçoit le titre de « Voiture mondiale de l’année ». Une récompense internationale qui, dans le monde automobile, équivaut à une étoile Michelin pour un fast-food. C’est dire s’il a séduit au-delà des frontières, et probablement au-delà du raisonnable.
Entre deux mises à jour esthétiques et trois retouches d’interface, le XC60 a su s’adapter aux attentes écologiques sans trop brusquer son public. Depuis quelques années, il se décline en version hybride rechargeable, avec suffisamment de puissance pour doubler un tracteur et assez d’autonomie électrique pour faire les courses sans réveiller le moteur thermique.
C’est d’ailleurs l’un des hybrides rechargeables les plus vendus d’Europe. Ce qui prouve que les familles modernes veulent à la fois sauver la planète et arriver à l’école à l’heure. Dans cette double vie de SUV éco-compatible, le XC60 propose environ la moitié des trajets en tout électrique, selon les données maison. Ce qui laisse l’autre moitié aux kilomètres bruyants, mais néanmoins rassurants, d’un bon vieux quatre cylindres sous le capot.
Pas de révolution esthétique au programme — on est en Suède, pas chez Tesla. Pour 2026, Volvo a simplement polissé les lignes, adouci les traits, et mis à jour l’intérieur comme on réorganise un salon scandinave : un peu plus de lumière, quelques gadgets connectés, et toujours cette obsession du rangement propre et fonctionnel.
L’interface de bord devient plus fluide, le système d’infodivertissement réagit enfin comme un smartphone de 2020 (ce qui est un progrès), et l’ergonomie générale gagne en clarté. On reste dans le sobre, le pratique, le feutré. Pas de tableau de bord psychédélique ou de volant en forme de yoke ici : juste des boutons bien pensés, et des matériaux qui sentent la laine bouillie et le cuir recyclé, comme il se doit.
Le XC60, digne héritier du 240, n’a pas renoncé à l’obsession de ses ancêtres pour la sécurité. À son lancement, il inaugurait le système City Safety, sorte d’ange gardien électronique capable de freiner tout seul en cas d’obstacle urbain. Un gadget à l’époque, une norme aujourd’hui. En 2017, rebelote avec l’anticipation de collision frontale et le retour automatique dans sa voie. Un système pratique pour ceux qui consultent leur téléphone en ligne droite.
C’est aussi dans ses entrailles que le XC60 perpétue l’esprit du 240 : cage de sécurité renforcée, zones de déformation savamment calculées, et une obsession assumée pour que personne ne termine en puzzle au moindre accrochage. Bref, une voiture conçue pour que même vos enfants puissent râler dans 30 ans en disant « ah, la XC60 de papa, ça c’était une bagnole ! ».
Le XC60 est aujourd’hui la réponse de Volvo à une question que plus personne ne pose vraiment : comment faire une voiture familiale sans tomber dans la caricature du monospace gris et triste ? Avec son gabarit rassurant, ses sièges dignes d’un salon IKEA premium, et son silence de fonctionnement en mode électrique, le SUV coche toutes les cases du véhicule consensuel… mais suédois. C’est-à-dire conçu pour ne vexer personne, même en Norvège.
Le XC60 est devenu la voiture la plus vendue de l’histoire de Volvo sans faire de bruit, sans grands discours, et surtout sans se prendre pour autre chose qu’un bon véhicule pour emmener les enfants à l’école en sécurité. Et si c’est ça la recette du succès, alors peut-être que la simplicité, parfois, vaut mieux qu’un manifeste de design.
Une chose est sûre : il a remisé le break au placard, rangé le 240 au musée, et planté son drapeau de SUV familial là où trônait jadis la voiture de papa. Et ça, sans klaxon tonitruant, ni effet de manche. Juste à la Volvo.
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