C'était un matin brumeux, quelque part aux abords du technocentre de Renault. Les bâtiments, dressés tels des cathédrales de béton et de verre, laissaient deviner en filigrane les secrets industriels qu'ils abritaient. J'étais là pour découvrir un véhicule que nul ne s'attendrait à qualifier de « charmant » : l'Estafette E-Tech. Pourtant, il y avait bien là, dans ce curieux mélange de modernité industrielle et de nostalgie subtile, quelque chose de terriblement séduisant. La question qui me brûlait les lèvres : « Ce gros engin électrique peut-il véritablement conquérir les cœurs comme son illustre ancêtre ? »
Une vieille histoire bien française
Revenons d'abord à l'origine. À l’aube des années 1960, alors que le Général de Gaulle faisait de grandes enjambées dans l’Histoire et que la baguette coûtait encore moins d'un franc, Renault lançait l'Estafette. C’était une époque où les routes françaises, encore bordées de platanes imprudents, voyaient défiler ces petits véhicules rondouillards chargés de fromages, de baguettes croustillantes ou parfois même de gendarmes zélés.
Avec ses lignes sympathiquement joufflues et sa cabine arrondie, l’Estafette était devenue la compagne idéale des artisans, des boulangers matinaux, des épiciers ambulants ou encore des facteurs roulant au rythme d'une France tranquille. Tout dans cette machine respirait l'insouciance, la simplicité mécanique et un charme qu’on aurait pu qualifier de « champêtre ». Aujourd'hui, le nom est repris. Mais que reste-t-il du charme original, à l'heure du tout électrique ?
Technologie sous haute tension
« Vous êtes prêt à découvrir la nouvelle plateforme Skateboard en 800 volts ? » me lance fièrement l’ingénieur, les yeux brillant de l’éclat mystérieux propre à ceux qui maîtrisent une technologie avancée. Je réponds par un signe de tête assuré, feignant l’assurance technique d’un journaliste aguerri.
Sous mes yeux, une Estafette E-Tech flambant neuve attend, fière comme une diva mécanique, posée sur une plateforme électrique révolutionnaire. Il ne s’agit plus d’un simple véhicule, mais d’un assemblage méticuleux d’ingénierie de pointe. Imaginez une architecture à 800 volts, habituellement réservée aux élites comme Porsche Taycan ou Rimac Nevera, accessible désormais au modeste artisan français.
Concrètement, cela se traduit par des chiffres impressionnants : une puissance de recharge culminant à 240 kW, permettant à l'Estafette d’engloutir l’électricité plus vite qu’un gourmand avale ses croissants chauds au comptoir d’un café parisien. Comptez moins de 20 minutes pour retrouver 80 % de batterie, et près de 450 kilomètres d'autonomie annoncés.
Cette plateforme modulaire permet plusieurs configurations de châssis, adaptées aux besoins des professionnels : court ou long, tout en proposant un volume utile atteignant jusqu’à 5,1 m³ pour la plus petite variante. De quoi stocker aisément palettes, colis ou outillage sans avoir à jouer au Tetris quotidien.
En cabine, Google se charge désormais de l’orientation, un comble pour un véhicule autrefois habitué aux cartes Michelin pliées en accordéon. Un logiciel « Software Defined Vehicle », issu des cerveaux de Renault Ampere, se charge quant à lui d’optimiser les tournées, les arrêts, les pauses, et même la gestion de l’autonomie. L’Estafette ne se contente plus d’être pilotée, elle assiste désormais son conducteur avec la diligence d'un majordome britannique.
Un style qui électrise les sens
Mais la technique, bien que fascinante, n’est rien sans la magie du style. Je m'avance vers l'Estafette pour en apprécier les lignes. Ce véhicule utilitaire ne ressemble à aucun autre : ses courbes audacieuses évoquent les rondeurs de sa grand-mère des années 60, tout en adoptant un design minimaliste et moderne. Le pare-brise panoramique en trois parties, clin d'œil évident à son aïeule, offre une vision panoramique digne d'une véranda roulante.
Les phares à LED, étirés comme deux yeux malicieux, donnent à cette Estafette E-Tech une allure presque sympathique, en opposition aux mines sévères habituellement arborées par les utilitaires modernes. Le profil tout en sobriété dégage une impression de robustesse rassurante, tandis que le seuil de chargement bas facilite les opérations quotidiennes. Renault ne s'est pas contenté de créer un outil de travail : il propose un compagnon quotidien attachant, au style délibérément à contre-courant de l’austérité industrielle actuelle.
La rencontre avec l'inconnu
Mais, au-delà de la technique et du design, une grande inconnue demeure : le prix. Renault reste étonnamment discret sur ce point crucial. Si la technologie employée évoque clairement une certaine ambition haut de gamme, la vocation populaire de l'Estafette impose une certaine retenue tarifaire.
Et puis, une autre question plane, subtile mais tenace : quelles évolutions attendent l’Estafette E-Tech ? En contemplant son généreux volume intérieur et son habitacle modulaire, l’idée d'une conversion en camping-car surgit naturellement. Imaginez un instant : voyager silencieusement sur les routes du Sud, avec assez de puissance pour franchir les cols alpins sans même perturber la sérénité des marmottes. L’avenir reste à écrire, mais les possibilités sont délicieusement tentantes.